Chanvre : l’Europe en faveur d’un seuil à 0,5 % de THC

Chanvre : l’Europe en faveur d’un seuil à 0,5 % de THC

Alors que le marché du chanvre industriel en Europe connaît encore de nombreuses zones d’ombre réglementaires, des députés européens se mobilisent pour faire évoluer la législation. Leur objectif ? Fixer une limite claire et commune du taux de THC autorisé dans le chanvre, et ainsi sécuriser l’avenir d’un secteur en pleine croissance mais constamment freiné par l’instabilité juridique.

Une demande claire : uniformiser les règles du jeu

Début juillet, la commission de l’Agriculture du Parlement européen (AGRI) a lancé un appel à la Commission européenne pour qu’elle confirme explicitement la légalité du chanvre à l’échelle de l’Union. Les eurodéputés demandent aussi à harmoniser la classification du chanvre dans tous les États membres et à relever le seuil de THC autorisé de 0,3 % à 0,5 %.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce seuil ne fixerait pas une limite légale stricte. Il déterminerait surtout si une culture de chanvre est éligible aux aides de la Politique Agricole Commune (PAC). Chaque pays reste libre d’imposer ses propres règles, mais ce seuil européen influencerait fortement la législation nationale.

« Il s’agit avant tout d’offrir une vraie sécurité juridique aux agriculteurs, aux transformateurs et aux investisseurs », explique Cristina Guarda, députée européenne italienne des Verts, à l’origine de cette initiative, aux côtés des eurodéputés irlandais Luke Ming Flanagan (La Gauche) et Barry Cowen (Renew).

Une réponse directe aux tensions en Italie

Cette mobilisation européenne fait écho à la situation tendue que connaît actuellement l’Italie. En avril dernier, le gouvernement de Giorgia Meloni a publié un décret classant les fleurs de chanvre comme stupéfiants, rendant leur culture et leur vente illégales.

Un coup dur pour le secteur italien du chanvre, estimé à 500 millions d’euros et regroupant plus de 3 000 exploitations agricoles. La décision a été vivement contestée, à la fois devant les tribunaux et dans l’ensemble de l’Union européenne.

La plus haute juridiction administrative italienne a d’ailleurs remis en question la légitimité de cette interdiction, la jugeant incompatible avec le principe de liberté d’entreprendre : « Interdire brusquement la récolte d’une culture légale depuis des années et soutenue par l’UE revient à violer les règles fondamentales du marché. »

Une Europe en patchwork réglementaire

L’Italie n’est pas un cas isolé. À travers l’Europe, les approches légales autour du chanvre varient d’un pays à l’autre. En France, après avoir tenté d’interdire les fleurs de chanvre, les autorités ont été désavouées par le Conseil d’État. Résultat : aucune réglementation claire, juste une suite de décisions judiciaires et un flou juridique persistant.

À l’inverse, l’Allemagne, l’Autriche ou encore la République tchèque appliquent des règles plus souples, notamment concernant les limites de THC ou la vente de fleurs. Ce désordre réglementaire crée un véritable casse-tête pour les entreprises, freine les investissements et nuit à la cohérence du marché européen.

Pour Cristina Guarda, fixer un seuil unique de 0,5 % à l’échelle de l’UE permettrait non seulement de mettre fin à ces disparités, mais aussi d’annuler automatiquement certaines interdictions nationales, sans attendre la prochaine réforme de la PAC prévue pour 2028.

Pourquoi viser un taux de 0,5 % de THC ?

Le plafond de 0,5 % n’est pas une nouveauté : il était en vigueur en Europe jusqu’en 1984. Mais dans le contexte d’un durcissement des politiques antidrogue, ce seuil a été abaissé à 0,2 % en 1999, notamment sous l’influence de groupes développant des variétés à 0 % de THC. En 2021, les députés européens avaient déjà validé un relèvement à 0,3 %, estimant qu’aucune justification scientifique ne soutenait un seuil plus bas.

Les défenseurs d’un passage à 0,5 % avancent plusieurs arguments :

  • Le taux de THC dépend fortement de la météo ou de la composition des sols, rendant difficile un respect strict des limites actuelles.
  • Un taux plus élevé facilite l’extraction du CBD, qui évolue souvent proportionnellement au THC, augmentant ainsi les rendements.
  • Cela réduit le gaspillage, sécurise les récoltes et améliore la rentabilité pour les agriculteurs.

La commission AGRI rappelle que cette évolution pourrait aussi ouvrir de nouvelles opportunités économiques, allant des usages textiles et alimentaires aux produits bien-être et cosmétiques.

Un appel fort de la filière chanvre

Pour les professionnels du secteur, l’harmonisation du THC à l’échelle européenne est devenue une nécessité. L’absence de règles claires laisse le champ libre à des décisions nationales contradictoires, comme en Italie, qui affaiblissent l’ensemble du marché.

« Si rien n’est fait, l’Europe risque de prendre du retard sur un secteur en plein essor et largement accepté par les consommateurs », alertent les principales fédérations industrielles.

Des pays comme la Suisse, la République tchèque ou le Mexique autorisent déjà jusqu’à 1 % de THC dans le chanvre industriel. Les États-Unis, quant à eux, maintiennent le seuil à 0,3 %, mais des propositions pour passer à 1 % émergent.

L’Europe doit donc agir rapidement pour rester compétitive sur un marché mondial du chanvre en pleine expansion.

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