Le gouvernement Meloni interdit le CBD : la filière chanvre sacrifiée dans le « décret Sécurité »

Mesures adoptées et leur portée
Le 4 avril 2025, le gouvernement italien a adopté en urgence un « décret Sécurité », dont l’article 18 interdit la vente de fleurs et résines de chanvre, quelle que soit leur teneur en THC. L’idée est de bannir tout produit dérivé du chanvre, même si le taux de THC est très faible (comme la cannabis light riche en CBD). Cette mesure était d’abord prévue dans un simple projet de loi, mais elle a été transformée en décret-loi, permettant une mise en application immédiate et sans relecture parlementaire.
Réactions politiques : entre croisade sécuritaire et silence complice
La Lega de Matteo Salvini, qui a fait de la lutte contre le cannabis light un thème majeur, a imposé cette interdiction. Giorgia Meloni et son gouvernement de droite soutiennent aussi cette approche : le sous-secrétaire à la présidence du Conseil, Alfredo Mantovano, a clairement fermé la porte à tout compromis. En face, Forza Italia affiche une double attitude : certains eurodéputés du parti contestent l’interdiction à Bruxelles, tandis qu’au niveau national, le parti reste silencieux et s’aligne sur la position de la majorité.
Positions des parties prenantes du secteur
Les agriculteurs et acteurs de la filière chanvre ont vivement réagi. Coldiretti, principal syndicat agricole, ainsi que d’autres organisations, réclamaient un report de l’entrée en vigueur à 2026 ou un compromis épargnant au moins la culture agricole. Ces efforts sont restés vains : le gouvernement a tranché en faveur d’une interdiction totale, faisant peser un risque majeur sur les milliers d’entreprises qui gravitent autour du CBD. Certaines envisagent déjà de délocaliser leur activité pour échapper à ce couperet réglementaire.
Implications européennes : une interdiction à l’épreuve du droit de l’UE
Sur le plan européen, de nombreux doutes émergent quant à la compatibilité de cette interdiction avec le marché unique. Mattia Cusani, président de l’association Canapa Sativa, a déposé une pétition devant le Parlement européen, arguant que bloquer la vente de fleurs de chanvre en Italie enfreint les règles de concurrence et de libre circulation des marchandises. La Commission des pétitions (PETI) a jugé ce recours recevable et compte interroger la Commission européenne, ainsi que le gouvernement italien, pour clarifier cette situation. Une procédure d’infraction pourrait même être envisagée si cette mesure est jugée contraire au droit de l’UE.
Recours juridiques et précédents jurisprudentiels
Plusieurs décisions de justice favorables au CBD font espérer un revers pour le gouvernement italien. En 2024, un décret ministériel qui classait le CBD comme stupéfiant fut invalidé par le tribunal administratif (TAR) en l’absence de preuves scientifiques. Au niveau européen, la Cour de justice de l’UE a déjà souligné, dans l’arrêt Kanavape de 2020, que le CBD n’est pas un stupéfiant et que toute interdiction doit être justifiée par des faits concrets. À ce stade, la filière chanvre italienne se prépare à mener des actions juridiques pour contrer la nouvelle interdiction.
Conclusion
L’Italie opte pour une approche intransigeante sur le CBD, ce qui risque de fragiliser sérieusement une filière en plein essor. La manœuvre du gouvernement, soutenue par la Lega et validée sans trop de vagues par ses alliés, suscite déjà la colère des agriculteurs et producteurs locaux. Sur la scène européenne, cette mesure pourrait se heurter au cadre légal garantissant la libre circulation des biens. Les prochains mois montreront si l’Italie maintiendra cette ligne ferme malgré la pression économique et juridique, ou si elle sera contrainte d’assouplir un dispositif perçu comme défavorable à une industrie florissante.
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